jeudi 27 août 2015

IRONMAN DE MONT-TREMBLANT (Canada) - 16 août 2015

Et pourtant, tout avait si bien commencé au début de l'année, avec un changement de coach redynamisant et permettant un travail différent, avec ce changement de foulée que je travaille depuis juste après Nice qui commence à porter ses fruits (-30sec/km en endurance fondamentale) avec un planning pro qui bien que m'empêchant cette année de grimper me permettait des horaires encore plus larges d'entrainement, avec un changement de vélo lui aussi remotivant, etc...
Et rapidement les indicateurs ont démontré cette belle dynamique, une càp en nette progression, un vélo plus costaud, bref, le beau fixe.
Sauf que... premier incident, ma tendinite chronique au tendon d'Achille se manifeste de plus en plus souvent, grillant petit à petit mon plaisir nouveau de courir. Puis un autre incident lors d'une séance càp assez dure, sur la dernière répétition, les 2 mollets se serrent en même temps, un peu plus loin que la crampe, un début de contracture et presque 3 semaines sans courir. Je compense avec la natation et le vélo au point semble-t-il d'en faire trop car outre la déception de ne plus pouvoir courir correctement, je prends un gros coup de fatigue lors duquel j'ai plus envie de rien, je trouve le moindre pretexte trop chaud, trop mouillé, trop ceci ou cela pour m'entrainer, et le volume diminue drastiquement au moment où j'aurais du enquiller des séances longues. Et pour compenser, je fais du semi-long en plus dur, accumulant encore plus de fatigue, bref, un genre de cercle vicieux dans lequel je suis lentement tombé sans vraiment m'en rendre compte. En plus, je me fais un peu leurrer par une natation et un vélo plutôt pas mal au half de Kraichgau même si je ne peux que faire 7km à pied à cause du tendon d'Achille, bon allez bref, vous l'aurez compris, je suis loin de mes standards de préparation des 2 années précédentes.
Et c'est donc plein de doutes que je débarque à Mont-Tremblant.
Mais cette épreuve ne permet pas le doute, et plus qu'Ironman je dirais qu'il faut être Ironmind pour faire une belle course, car en 10-12h il y a forcément des moments durs ou très durs, qu'il faut passer, surtout dans sa tête quand le corps flanche un moment. Et idéalement il ne faut pas accumuler les ennuis.
Or là, je ne peux que plussoyer Mr Chirac qui disait fort justement : les emmerdes volent toujours en escadrille !
Et là, pinaise, j’ai chopé l’escadrille complète de Papy Boiyngton !
Donc outre la crevaison la veille de partir au Canada sur ma dernière sortie avec mes boyaux tout neufs à peine montés... je crève à nouveau à la reco du parcours, et je creverai à nouveau au km7 de la course, si si.
Mais ça c'est presque anecdotique, reprenons dans l'ordre :)
Après 2 semaines déjà au Canada, de Montréal à Québec, de Québec à Tadoussac pour une rencontre mémorable avec les baleines, un peu de natation, un peu de càp, pas de vélo car c'est très compliqué de rouler à Montréal, nous partons vers Mont-Tremblant, aller respirer l'air de la montagne et de la compétition.
Comme d'hab dans ce pays, super accueil, super ambiance, et pour le check-in, super organisation, la meilleure que j'ai pu voir depuis que je fais du triathlon. Idem pour le briefing et la pasta party, impeccable.
Cependant, un autre souci vient s'ajouter, j'ai très peu d'appétit. Le début de la semaine en régime scandinave dissocié est facile contrairement à d'habitude mais à partir du jeudi, quand il s'est agit d'augmenter la part de glucides lents dans la ration journalière, pas d'appétit, pas envie de me forcer, ça m'inquiète un peu mais sans plus ; ça aurait du :)
Sinon tout se passe bien, prépa vélo et sacs nickel, tout roule, je regrette un peu de pas avoir emporté mon gatosport Overstim du coup, on se fait une petite recette noix-chocolat dégottée sur internet, mais qui sort des habitudes. De plus les conditions climatiques sont bonnes, le temps prévu dimanche est clément, 30°C, à part une humidité très largement supérieure à la moyenne : 98%, mais pas de pluie, c’est rassurant. Yapuka !
Dimanche, levé 4h30, plutôt facilement, j’arrive même à avaler un truc et j’emporte le reste de mes gatosport maison pour l’attente.
Arrivé au parc, première surprise, le vélo est trempé, je n’avais pas remarqué qu’il avait plut pendant la nuit mais bon, ok, sauf que… on y reviendra plus tard…
Tout est calme, ce moment pré-course est toujours étonnant, le stress est palpable, les gens sont déjà dans leur bulle, moi aussi. La natation est organisée en vague car la plage est étroite, 400, c’est raisonnable, et j’avais noté pendant le briefing qu’on pouvait nager à l’intérieur des bouées, l’important étant les 2 bouées rouges tout au fond, à 1900m du départ, invisibles pour le moment avec la brume.
Ce n’est pas tombé dans l’oreille d’un sourd et on sera relativement peu à en profiter, pour une chouette natation bien tranquille, entre bonnets rouges.
Les Pros partent à 20, forcément ça bouscule moinsJ, suivent les classes d’âges dans l’ordre, puis la mienne, les 45-49, bonnets Tyr rouges. Ça part nickel, au bout de 300m je trouve un petit groupe qui semble nager à ma vitesse, je me colle dedans ; au bout de 500m on rattrape les derniers de la vague précédente en bonnets verts partis 4’ plus tôt, au bout de 1000m ce sont les premiers bonnets jaunes qu’on rattrape, tout va impeccable, je me dis que la poisse m’a enfin lâché. Sauf que… vers 1500m de natation survient un truc totalement inattendu, incalculable, quasi surréaliste car ça ne m’est jamais arrivé : une crampe énorme au mollet gauche, je suis obligé de m’arrêter pendant presque 1min pour étirer le mollet, je repars complètement désabusé, j’ai perdu mon groupe, je nage seul, j’ai perdu 1min, certainement plus à venir en nageant tout seul… bref, je me disais bien qu’il n’y avait pas de raison que la scoumoune de cette année s’arrête aujourd’hui même L
Bref, j’arrive au demi-tour, j’en profite pour lever un peu les yeux et voir si je peux pas rallier des rouges façon Koh-Lanta parce que bon, les jaunes voila quoi J, et donc moyennant une petite accélération sur 3-400m ça se fait et je peux enfin retomber un peu les puls dans les jambes de 2 collègues d’âge. Je finirai avec eux mais j’estime que j’ai pris entre 2 et 3min dans la vue à cause de cet imprévu. Ajouté aux 3900m généralement constatés par les concurrents, je sors en 1h07’19’’ au Garmin, 1h08 au tapis de chrono, 66ème de mon groupe d’âge, j’aurais fait une chouette perf sans cette sale crampe.
Sur la transition le mollet me tire mais je pense qu’à vélo ça peut disparaître assez rapidement, donc pas de gamberge, je suis pas mal J Organisation super, tout se passe nickel et je pars pour le vélo. Contrairement à d’habitude, je suis tout de suite bien, bonnes jambes à part ce mollet qui tire, mais ça me semble finalement bénéfique ça m’évite de m’emballer et je fais attention à rester entre EF et EC1. Sauf que… premier souci, mon dérailleur électrique s’est déréglé pendant la nuit humide je pense car les rapport montent bien mais ça descend mal, je suis obligé de descendre 2 et remonter 1 pour descendre 1, toute la course… Non, la poisse ne m’a pas lâché… Sinon ça roule bien, ça drafte bien aussi, mais je ne peux pas vraiment en vouloir aux gens, c’est presque impossible de rouler seul à cause d’écarts entre les vagues bien trop faibles au départ. En réalité, il faudra attendre un tour complet avant que ça se décante vraiment, et là, pour le coup, je trouve ça mal fait, car les arbitres ne peuvent pas gérer, il y a vraiment trop de monde sur le parcours, ils ne peuvent pas déterminer qui drafte volontairement et qui subit le monde, moi-même j’ai du mal à repérer les gens qui en profitent vraiment. Ce sera le seul point noir de l’organisation de ce super triathlon. Bref. Pour le reste, je suis bien, sauf que… second souci, comme disait Seb Kienle, il est un bruit pire que la fraise du dentiste celui d’un boyau percé, et c’est ce bruit que j’entends au km7 (km7 put… mais oh quoi !) je me surprends à parler à mon boyau en lui demandant : ‘’t’es sérieux là ?’’ Mais oui, pas de doute, il était sérieux, j’ai encore crevé. Pendant que je freine le préventif anti-crevaison rajouté la veille semble faire son effet et le bruit de fuite s’arrête au bout de qqs secondes, j’estime avoir perdu un peu plus que la moitié de ma pression initiale, il doit rester environ 4 bars dans le boyau, je continue, on verra si je rajoute de l’air au risque de faire claquer la réparation et perdre encore plus d’air. Au 20ème km, je me fais dépasser par une petite moto qui porte plein de roues, cool ! si vraiment j’ai un pépin, je stopperai la moto pour lui piquer une roue, ça me rassure bien, je reprends avec un souci en moins à l’esprit. Au km50 je constate qu’enfin, je n’ai plus mal au mollet, good point. En revanche, km80, sur le chemin duplessis, avec 2 passages à 15%, nouvelle alerte physique, j’ai mal au tendon rotulien, là en revanche, je prends un gros coup au moral car comme pour la crampe en nat, cette douleur est nouvelle pour moi à vélo, ça ne m’était jamais arrivé avant sur le vélo, ça commence à faire beaucoup. Bon allez, il fait très humide, ça va peut-être s’améliorer avec le soleil qui perce tout doucement la couche de brume… On y croit, faut y croire.
A part ça je boucle mon premier tour avec de bonnes jambes, le boyau tient et je suis en avance sur mon temps prévu, j’ai juste la rotule qui pique à chaque coup de pédale. Ça pourrait se gérer si ça n’empire pas.
Deuxième tour, au km120, les jambes se durcissent d’un coup dans une petite montée, j’ai des crampes qui commencent à monter aux quadriceps, waouh, ça va être compliqué… ne suis-je pas entrain de payer mon manque d’appétit de ces derniers jours ? puis km150, rebelote dans la montée Ryan, une montée pas dure mais qui pourtant me fait mal aux muscles, allez, on y est presque, reste le chemin Duplessis, km170, mais là en fait, ça passe pas, j’explose complètement, crampé à mort, je suis obligé de m’arrêter. Je ne peux même pas descendre du vélo tellement je suis bloqué, quadris, ischios, mollets, la folie totale, finalement j’arrive à descendre pour m‘étirer pendant plusieurs minutes, et je repars, je suis clairement en mauvais état, et j’ai toujours le tendon rotulien qui fait mal. Je rentre au parc à vélo et prends une bonne pause à la transition pour m’étirer et masser le dessous de la rotule à l’insertion du tendon.
J’ai un peu récupéré, mentalement je me sens près à partir sur le marathon, c’est déjà une bonne chose, mais au bout de 200m, la rotule pique à nouveau à chaque foulée, je comprends alors que si je continue je vais faire, au mieux, 42 bornes avec cette douleur et je ne m’en sens pas capable mentalement, je vois Sabine et les enfants devant, je m’arrête pour plein de bisous et je décide d’en rester là, parce que un Ironman sur lequel je marche 42 km n’est plus vraiment un Ironman, ça n’a plus beaucoup de sens, et je me dis que tous les pépins que j’ai enfilés comme des perles toutes cette année sont autant de petites alertes que j’aurais du me reposer cette année ; mais en fait, avant tous ces constats, et comme il faut toujours s’inscrire un an à l’avance sur ces courses, je ne pouvais pas le savoir.
Décu ? comme je l’ai dit, oui et non, oui car c’est toujours difficile d’abandonner une course et non car je savais tout ce qu’il ne fallait pas faire pour préparer un Ironman mais je ne l’avais jamais expérimenté, maintenant c’est fait J
-          Reprendre l’entrainement trop vite, trop fort : check
-          Ne pas repérer les signes de surentrainement : check
-          Insister avec une blessure au tendon d’Achille : check
-          S’entrainer seul trop souvent = usure mentale : check
-          Ne pas s’aérer l’esprit avec un autre sport (escalade) : check
-          Etc… et encore une palanquée de petites choses que je ferai bien attention à respecter dans les années à venir
A part ça j’ai passé les plus belles vacances de ma vie, comme quoi, les vieux adages du genre ‘’on ne peut pas tout avoir’’ ont la vie dure J J J et en aucun cas je n’échangerais ces vacances réussies contre un maillot de finisher (‘Accompli’ sur le tee-shirt) à Mont-Tremblant. Non, tout simplement, je reviendrai ;-)


Pour finir je tiens vraiment à remercier toute une série de gens qui comptent beaucoup pour moi et qui m’ont soutenu et aidé parfois simplement par leur présence : mon amour, toujours là, compréhensive et enthousiaste, mes enfants autonomes et complices, Arnaud Fabian et Olivier Comau qui m’ont tellement apporté sur le plan physiologique et technique, Eric et Karine pour les sorties vélo, la motivation et les coups de fils réguliers d’une heure certains soirs J, David pour ses guides sur une alimentation saine, Estelle-Marie pour ses conseils, ses astuces et ses revues matos, Eric Schenk dès que j’ai une question vélo, le Trimoval tous ses membres et ses entraineurs, un super club avec une excellente ambiance, Alexis Skornik pour ses retours d’expérience en càp, Olivier Carrere pour les séances natation hors club et qqs sorties vélo, Christian Woehrel, Olivier Cailler, Arnaud Gag, Lionel Heller, JFlo Stumpf, tous mes potes de la ligne d’eau n°2 des entrainements club, Stéphane Kérampan, Etienne Maillard, Vincent Froidefond, Xavier Schneider, etc… tous ces gens bien du triathlon. Et ceux que j’ai maladroitement oubliés ;-)